La science en libre accès dans le monde universitaire : ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas

Science & Policy Exchange
5 min readSep 12, 2021

par Jessica Bou Nassar et Melina Papalampropoulou-Tsiridou, Dialogue Sciences & Politiques

En tant que deux chercheuses en début de carrière (CDC), nous avons fait l’expérience concrète du potentiel de la science ouverte dans le cadre de notre travail universitaire et nous en témoignons à distance en observant des chercheurs du monde entier se réunir, partager la science et sauver des vies dans le cadre d’une pandémie mondiale. L’idée d’un accès ouvert aux données et d’une communauté universitaire où la collaboration et l’échange sont encouragés a conduit de grandes agences de financement comme le National Institutes of Health (NIH) à lancer de multiples initiatives pertinentes. En 2017, 12 bénéficiaires ont reçu une subvention de 9 millions de dollars du NIH pour créer un répertoire de données biomédicales ouvertes et dématérialisées. De telles initiatives démontrent l’importance du partage des données pour faire progresser le transfert de technologies et améliorer plus rapidement la qualité de la vie humaine et des patients souffrant d’affections débilitantes. Les données en libre accès ont également contribué à la lutte contre la COVID-19. Une initiative en libre accès plus récente du NIH fournit une base de données détaillée des ressources informatiques développées par diverses organisations, dont des agences fédérales, des consortiums publics et des entités privées. À partir de janvier 2023, le NIH demandera à tous ses chercheurs financés de soumettre un plan détaillé démontrant comment leurs données scientifiques seront gérées et partagées.

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) reconnaissent l’importance de la science ouverte et ont créé un plan d’action et plusieurs initiatives visant à promouvoir les données ouvertes et leur partage. De même, le Allen Brain Institute, l’un des plus grands instituts de recherche à but non lucratif, a lancé le projet Neurodata without Borders, qui vise à établir des directives universelles pour le partage, l’archivage, l’utilisation et la création d’outils d’analyse des données neurophysiologiques.

En tant que CDC et universitaires, nous sommes particulièrement emballées par ces initiatives (et d’autres similaires). Cependant, il convient de s’attaquer à de multiples barrières au sein du monde universitaire qui pourraient entraver l’avancement de la science ouverte :

1. La définition dominante de l’excellence de la recherche n’est pas alignée sur les valeurs de la science ouverte.

La définition actuelle de l’excellence de la recherche est ancrée dans la culture universitaire et a été façonnée par des critères qui encouragent la productivité scientifique. Cela inclut des mesures telles que les facteurs d’impact et les indices h pour évaluer la recherche. Dans les conditions actuelles, les efforts déployés par les chercheurs en faveur de la science ouverte sont considérés comme des charges supplémentaires sans récompense. Imaginez un CDC qui a consacré du temps à la conservation d’une base de données en libre accès et qui ne reçoit aucun crédit. En adoptant de nouveaux critères d’évaluation pour le recrutement et la promotion, l’Université d’Utrecht change le statu quo en incluant l’engagement dans le travail d’équipe et les efforts pour faire progresser la science ouverte. En outre, elle rejette les critères d’évaluation traditionnels tels que les facteurs d’impact et les indices h.

Les organismes de financement définissent les exigences qui permettent aux chercheurs de bénéficier de fonds et façonnent ainsi l’excellence de la recherche. Les demandes de subvention sont généralement évaluées sur la base de 15 critères, dont aucun n’est lié à la science ouverte. Les organismes de financement pourraient contribuer à promouvoir la science ouverte en modifiant les critères d’évaluation pour les aligner sur celle-ci. La prochaine fois que vous demanderez une subvention, souhaiteriez-vous que vos contributions au public et vos collaborations avec différents chercheurs soient prises en compte dans l’évaluation ? Partagez vos réflexions dans la section des commentaires ci-dessous !

2. Les CDC et autres membres de la communauté universitaire n’ont peut-être pas les compétences nécessaires pour s’engager dans des démarches visant la science ouverte.

Lors d’une table ronde co-organisée par Dialogue Sciences et Politiques (DSP), les panélistes ont expliqué comment le manque de familiarité avec la science ouverte et les plateformes de partage de la recherche et des données a constitué un obstacle à la synergie des efforts des chercheurs. Il convient donc de mettre en place des programmes de formation axés sur les initiatives de science ouverte et de doter les chercheurs et les scientifiques des compétences nécessaires pour s’y engager. Par exemple, le département de psychologie de l’Université Ludwig-Maximilians de Munich impose une formation sur la science reproductible qui comprend des cours sur le pré-enregistrement des études et les données en libre accès (pour en savoir plus sur ces solutions et d’autres solutions de science ouverte, cliquez ici).

3. Un esprit de compétition dans le monde universitaire pourrait entraver le développement de la science ouverte.

Il convient de trouver un équilibre entre la concurrence et la collaboration au sein des laboratoires de recherche et entre eux. La concurrence peut motiver les chercheurs, mais poussée à l’extrême peut créer des rivalités et être toxique pour les cultures de laboratoire et ainsi entraver la progression de la science. Un esprit de compétition pourrait pousser les chercheurs à être possessifs vis-à-vis de leurs ensembles de données et les empêcher de partager leurs recherches. En revanche, la science ouverte repose sur la collaboration, l’ouverture et le partage. Il est donc essentiel de favoriser les coopérations pour la faire progresser. Cela nécessite une transformation culturelle au sein du monde universitaire, qui pourrait être encouragée en modifiant les valeurs incitatives, en repensant l’excellence de la recherche et en offrant une formation sur la collaboration efficace.

Nous sommes toutes deux ravies de constater une évolution du monde universitaire vers la promotion de la science ouverte, car nous apprécions la participation du public à nos recherches ! Saviez-vous que les initiatives de science ouverte pourraient susciter l’intérêt du public pour les recherches universitaires ? En 2017, un jeu neuroscientifique a été lancé dans le cadre d’une collaboration entre l’Université de Washington et le Allen Brain Institute, qui a permis aux citoyens ayant une formation scientifique de tracer les structures neuronales, permettant ainsi des reconstructions en 3D des neurones. La science ouverte n’est donc pas seulement la porte de la science à la collaboration, mais aussi celle de l’engagement et de la vulgarisation. Avez-vous l’intention de saisir cette opportunité ?

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A student-run non-profit that works to foster the student voice in science policy and evidence-informed policy-making in Canada. Based in Montreal.