Combattre le feu par le feu : Comment les politiques de gestion du feu influencent les feux de forêt au Canada

Science & Policy Exchange
5 min readSep 29, 2021

par Sonja Soo, Dialogue Sciences & Politiques

De nos jours, il est difficile de ne pas entendre parler de feux de forêt.

Au cours des dernières années, les étés au Canada ont été marqués par des feux de friches (ou «feux de forêt») qui ont brûlé des milliers d’acres de terre, forçant les résidents à évacuer, remplissant l’air de fumée et coûtant au gouvernement des millions de dollars en gestion des incendies. Cet été, les feux de forêt ont été ravageurs une fois de plus au Canada. Bien qu’elle ne soit qu’à mi-chemin de la saison des feux de forêt, la Colombie-Britannique a déjà dépassé la moyenne décennale en termes de nombre de feux et de superficie totale brûlée. Par exemple, dans la petite ville de Lytton, un feu de forêt a traversé la communauté et a brûlé la majeure partie du village en quelques heures, détruisant maisons et déracinant vies.

Comment ces feux de forêt se déclenchent-ils ? Pourquoi ont-ils été si destructeurs ces dernières années ?

(Photo par Matt Howard sur Unsplash)

Ce qui déclenche et alimente les incendies

Les feux de forêt sont déclenchés par la foudre: lorsque celle-ci frappe, la chaleur est suffisante pour enflammer les arbres et la végétation et déclencher un incendie. L’activité humaine comme le dépôt de cigarettes dans la nature, les feux de camp ou les incendies criminels, peut également provoquer des départs de feu. Combiné à de l’oxygène (de l’herbe fraîche) et du combustible ( végétation sèche) qui s’enflamme rapidement, le feu peut s’alimente et est sans fin.

Les changements climatiques ont également un impact sur les feux de forêt. Des journées plus chaudes, des vents plus forts et des conditions plus sèches rendent les forêts plus inflammables. Les températures plus chaudes permettent également aux parasites forestiers xylophages, comme le dendroctone du pin, de survivre aux hivers plus doux et de se propager, laissant derrière eux du bois mort et ajoutant au combustible aux incendies.

Les politiques de gestion du feu ont eu un effet important sur les feux de forêt. Pendant des décennies, la suppression et la prévention des incendies ont constitué la principale stratégie. Elle semblait logique : en éteignant agressivement tous les feux, la nature serait préservée dans toute sa beauté.

Toutefois, cette stratégie ne tient pas compte de la valeur des incendies dans le façonnement de l’écologie des forêts boréales canadiennes. En fait, les incendies périodiques sont nécessaires à la santé des forêts. Le cycle naturel du feu empêche l’accumulation de combustibles inflammables, stimule la croissance en libérant les nutriments stockés sur le sol de la forêt et ouvre le couvert forestier pour un meilleur ensoleillement, ce qui permet aux jeunes arbres de pousser et à la biodiversité de s’accroître. Certaines espèces d’arbres, comme le pin gris et le pin tordu, ont une couche cireuse protectrice autour de leur pomme de pin qui a besoin de chaleur pour que leurs graines soient libérées et que leur cycle de vie se poursuive.

En raison de la mise en œuvre de politiques de suppression des incendies au Canada pendant des décennies, les peuplements forestiers sont plus âgés, ce qui contribue à rendre les forêts plus inflammables et à accroître les risques d’incendies de forêt. Puisque les zones proches des communautés sont une priorité pour la gestion des incendies, il y a une accumulation de combustibles forestiers, ce qui augmente leur vulnérabilité aux incendies de forêt plus destructeurs.

Changement des stratégies de gestion des feux de forêt

La prise de conscience du rôle important que jouent les feux de forêt naturels a conduit à un changement des politiques de gestion des incendies, qui comprennent l’éclaircissement de la végétation, le fait de laisser brûler les feux et les brûlages contrôlés. Les brûlages contrôlés, également connus sous le nom de brûlages dirigés, sont appliqués à dessein aux forêts pour réduire l’accumulation de combustibles afin d’éviter que des incendies de forêt plus importants et plus incontrôlables ne se produisent. En général, ils sont soigneusement planifiés pour les saisons à faible risque (automne et hiver).

Les brûlages contrôlés ne sont pas un concept nouveau ; avant qu’ils ne soient retirés de leurs terres, les peuples autochtones pratiquaient traditionnellement des brûlages culturels. Les brûlages culturels étaient effectués à des fins spécifiques, comme la gestion de l’accumulation de combustible, l’enrichissement du sol et la régénération de la forêt, bien que les pratiques puissent varier d’une nation à l’autre. Le feu était également utilisé pour défricher les terres et entretenir les chemins. Ces brûlages de faible intensité permettent non seulement d’accroître la biodiversité, mais aussi de réduire les risques d’incendie.

Le soleil apparaît d’un orange brumeux à cause de la fumée d’un feu de forêt à Vancouver, en Colombie-Britannique (photo de Julie Kit, août 2021).

Malheureusement, la mise en œuvre des brûlages contrôlés n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Malgré ces avantages à long terme du feu, il existe de nombreux obstacles à ce changement dans la gestion du feu. En ce qui concerne l’intérêt du public, on craint que les incendies aient un impact négatif sur la qualité de l’air, ce qui pourrait exacerber les affections pulmonaires. La fumée des incendies peut également nuire au transport aérien ou routier en réduisant la visibilité. Le gouvernement manque également de fonds pour soutenir la prévention, l’atténuation et la préparation, ce qui n’a pas permis de faire face à la gravité croissante des incendies de forêt. La planification de ces brûlages peut également prendre des années en raison d’un processus d’approbation méticuleux. Enfin, bien que les peuples autochtones soient autorisés à procéder à des brûlages culturels sur leurs réserves sans l’approbation du gouvernement, les feux sont parfois signalés et, dans certains cas, doivent être éteints.

Un regard vers l’avenir

Avec la combinaison de l’accumulation de combustible et du changement climatique, les feux de forêt en Colombie-Britannique pourraient être encore plus désastreux avec le temps ; non seulement plus de terres seront brûlées, mais plus de vies pourraient être perdues. Les attitudes négatives qui ont longtemps prévalu à l’égard des incendies doivent être modifiées.

Il faut intégrer les connaissances des peuples autochtones de la terre dans la gestion des forêts. Des mesures doivent être prises dès maintenant pour éviter que les incendies dévastateurs ne deviennent encore plus meurtriers.

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